Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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En mission à Fronton

COMMENT UN RÉGIMENT D'ARTILLERIE MUSIQUE EN TÊTE, VIENT AU SECOURS DU MISSIONNAIRE

L'INOUBLIABLE MISSION DU P. MARIE-ANTOINE À FRONTON EN MAI 1859

Récit du P. Marie-Antoine lui-même dans Ses Souvenirs[1]


Fronton-rue.jpg

Fronton est un chef-lieu de canton au nord de Toulouse. Il fallut ici deux régiments d'artillerie,  et un double assaut fait avec eux,  pour prendre la place. Mais, grâce à la bonne Sainte Vierge, elle fut prise, et si bien qu'on ne vit jamais plus consolante mission. Racontons-la en détail :

Les pays de vin, en général, ne brillent pas par la dévotion. Ils sont d'ordinaire peu religieux. Celui de Fronton avait de tout temps la réputation de l'être moins que tous les autres. Réputation, hélas, que trop méritée. Des missionnaires ne purent y finir la mission qu'on avait essayé d'y prêcher vingt ans avant la nôtre. Ils avaient été chassés à coups de pierres. Aussi, quand M. le curé de Fronton vint au couvent me prier de prêcher celle-ci, me dit-il :

- Je me suis bien gardé de l'annoncer. Il faut prendre mes paroissiens à l'improviste. Ils ne viennent guère à l'église, surtout aux Vêpres, que le jour de la première Communion. Vous viendrez donc ce jour-là. Pendant les Vêpres vous aurez tout votre monde,  je vous les livre.  A vous et à Dieu de faire le reste.

Ce n'était guère rassurant.                                          


"Les femmes groupes aux portes jouent aux cartes"


Nous arrivons, avec un confrère, au jour convenu et à l'heure indiquée. Et, comme nous traversions la ville pour nous rendre à l'église, les femmes qui, groupées sur les portes, jouaient aux cartes, nous accueillirent si mal que mon confrère parlait déjà de s'en revenir et de me laisser seul sur le champ de bataille.

- Courage, Dieu sera avec nous.

Et nous entrons à l'église. Elle était remplie. Je monte en chaire et l'on m'écoute, mais dès que je veux seulement prononcer le mot de mission, tout le monde se met à fuir et nous restons seuls dans l'église avec M. le curé et mon confrère.

Le lendemain, nous avions beau faire sonner toutes les cloches, personne ne venait. Que faire ? Mon confrère voulait absolument partir, M. le curé n'espérait plus. Mais, grâce à la Sainte Vierge, je ne me décourage pas. Par els enfants du catéchisme, quelques personnes retrouvent bientôt le chemin de l'église et nous pouvons faire quelques cérémonies.

Mais la plus grande partie des femmes et les hommes en totalité restaient imprenables. La Providence, si bonne, vint à notre secours... secours bien inespéré ! C'était pendant le mois de Marie, toujours, pour moi, le mois des miracles !

                                                                                                                        "Par les enfants du catéchisme, quelques personnes retrouvent le chemin de l'église".

                                                                                       L'école et l'église    Frontonecoliers.jpgFrontone769glise.jpg 

Nous étions au moment de la guerre d'Italie[2]. Un régiment d'artillerie se rendant de Montauban à Toulouse pour aller en Italie passe par Fronton. Il y arrive le soir, vers 2 heures, pour n'en partir que le lendemain matin avant le jour. La bonne Sainte Vierge m'inspira d'aller droit au colonel et de l'inviter, avec son régiment, à assister à la cérémonie du soir. Le colonel et tous les officiers acceptent avec enthousiasme; ils mettent deux trompettes à ma disposition. À 7 heures précises, le régiment s'ébranle et, conduit par le chef, vient en ordre et remplit l'église. Jamais rien de plus beau ! Au moment solennel de la bénédiction, les chefs crient : genou terre ! Tous se prosternent et tous reçoivent ensuite une médaille de la Sainte Vierge. Je leur adresse quelques paroles d'adieu, les yeux se remplissent de larmes. Un grand nombre, oubliant les fatigues de la route, demandent à se confesser.

Trois jours après, passe un autre régiment d'artillerie, la même scène se reproduit.

J'avais fait, dans l'intervalle, une visite à domicile et parlé à chaque homme en particulier. Ce fut assez, tous les cœurs étaient ébranlés... À partir de ce moment-là, la mission fit merveille et, à deux ou trois exceptions près, tout le monde la gagna. Jamais mission plus belle !


Plus de six cents hommes y firent ensemble leur communion et un grand nombre d'entre eux y furent confirmés. Mgr Mioland[3], qui présida la clôture, en fut tout heureux. Il mourut quelques semaines plus tard.

Revenus d'Italie, ces mêmes régiments d'artillerie défilèrent dans les rues de Toulouse. Dans la rue Saint-Rome, que je dus traverser, je m'écartai pour les laisser passer. Officiers et soldats me reconnaissent, ils arrêtent leurs chevaux.

- Mon Père, s'écrient-ils, nous voici ! Aucun de ceux à qui vous avez donné la médaille n'a été blessé. Nous voici tous revenus sains et saufs !

Figurez-vous avec quel bonheur je leur serrai la main.

 

[3] Mgr Jean-Marie Mioland (1851-1859)

 


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