La Vierge du grand clocher: 1. Viviers-les-Montagnes
LA VIERGE
DU GRAND CLOCHER
1.
Viviers-les-Montagnes
Semaine Catholique d'Albi du 3 décembre 1864
Une retraite vient d'être prêchée dans la paroisse de Viviers-les-Montagnes comme préparation à la fête de l'adoration perpétuelle. Les nouvelles en sont des plus consolantes. La parole du P. Marie-Antoine a été avidement écoutée par une foule nombreuse, et les fruits ont été des plus abondants. C'est dans ces occasions qu'on peut voir combien est forte et active la foi au sein de nos populations. Il suffit qu'elle soit un peu excitée pour qu'elle se manifeste avec la plus grande ardeur, et voilà pourquoi les retraites et les missions laissent après elles des traces si profondes et si pleines d'espérance pour l'avenir.
Semaine Catholique d'Albi du 17 décembre 1864
Le R.P. Marie-Antoine avait attiré, chaque soir, un grand concours de fidèles, malgré les travaux de la campagne qui dans ce moment sont nombreux et pressants. Aussi, le succès de cette retraite ayant presque atteint les proportions d'une mission, le mercredi 22 avril, M. le curé conçut l'heureuse pensée de terminer les exercices par l'érection d'une belle vierge.
Le dimanche 26, à 6h. du matin, une statue colossale arrivait à Viviers à la porte de l'église. M. le curé qui avait donné l'ordre de la laisser à Soual, où on devait aller la prendre en procession, la fit ramener à Soual où quelques paroisses voisines avaient rendez-vous.
A midi et demi la paroisse de Viviers, en masse, et avec elle un nombre considérable de personnes des environs, se mirent en marche. Les jeunes filles vêtues de blanc avec des oriflammes, les bannières et les croix, marchaient en tête, puis suivaient les femmes. Les hommes étaient massés chantant des cantiques avec ensemble et entrain. La joie rayonnait sur tous les visages. Aussi, une course de 5 kilomètres parut courte à tout le monde.
La vierge fut placée dans un char décoré avec beaucoup de goût, et, à 3h., le cortège partit de Soual après quelques prières récitées à genoux devant l'église et le chant de l'Ave maris stella.
M. le curé de Soual en chape accompagna la Vierge jusqu'à la sortie du village.
Au moment du départ, le temps était menaçant. Mais sur l'annonce du P. Marie-Antoine qu'il ne pleuvrait pas, on s'était mis en marche. Il avait demandé des prières, et Celle qu'on n'invoque jamais en vain avait dissipé les nuages et les craintes.
La vierge est très pesante (1700 kg.), la distance longue. Par prudence on avait réuni quelques bêtes de trait pour aider à la traîner. Nous ferons seuls, avaient dit les hommes, nous la porterions s'il le fallait. Et, en effet, les cinq kilomètres ont paru encore plus courts que tout à l'heure, tant était grand l'enthousiasme. Pendant tout le trajet, des cantiques ont été chantés, l'ordre a été parfait, le coup d'œil ravissant. La pente rapide du village fut gravie sans peine. La vierge était donc arrivée à nouveau à côté de l'église où elle devait attendre, sur un piédestal provisoire, d'être placée sur un point plus en vue.
Heureux curé! voyez comme il est content. Ses vœux son accomplis. La fatigue des jours précédents a disparu, l'expression du bonheur peinte sur son visage l'a rajeuni, et lui a fait retrouver toute sa vigueur.
Lorsque les préparatifs de l'érection ont été terminés, le P. Marie-Antoine, montant sur l'estrade, invita M. le curé à bénir la statue, puis il remercia ce digne pasteur qui, après 32 ans d'un ministère laborieux dans sa paroisse, avait voulu, dans le cas où la providence le séparerait de son troupeau, lui donner une mère qui le garderait. "Ne craignez plus maintenant, la mère que vous venez de donner à vos enfants ne les abandonnera jamais".
Il a remercié ensuite le curé de Saint-Jacques de Castres qui avait voulu partager la joie de ses anciens paroissiens, en venant au milieu d'eux participer au triomphe de leur Mère. Il a remercié aussi les curés du voisinage qui avaient amené leur paroisse en procession, le clergé, les étrangers et les paroissiens de Viviers, du beau spectacle et du bel exemple qu'ils ont donnés à la contrée. "Comment avez-vous pu faire, bons habitants, vous qui êtes en général de condition modeste, pour avoir, et en si peu de temps, une si belle vierge, conforme à celle qui s'élève sur la place d'Espagne à Rome? Vous êtes au-dessus de Rome même, car la Vierge de Rome n'est pas aussi grande que la vôtre, vous devez être justement fiers de cet avantage".
Se tournant ensuite du côté de la statue: "Voyez qu'elle est belle, votre Mère! Comme le soleil, qui s'était caché toute la journée et qui avait tempéré sa chaleur en s'entourant de nuages, se montre maintenant pour saluer sa reine et lui rendre ses hommages! Comme elle est bonne! elle a ses mains placées, l'une pour prendre vos cœurs et vos prières, et l'autre pour les présenter à son divin fils!
Qu'il était beau lui-même, cet infatigable enfant de saint François lorsqu'il fait admirer la vierge, comme son visage s'épanouissait et paraissait partager la gloire de sa Mère!
Il a ensuite donné à toute l'assistance l'indulgence plénière, béni les chapelets et médailles et invité les assistants à se rendre à l'église pour la bénédiction du très Saint-Sacrement.
M. le curé a voulu alors remercier le bon Père, et il l'a fait avec des accents qui venaient du cœur et d'une voix émue... (cliquer pour lire le texte)
Un autre récit, "du cru", dans "Nostre Vilatge", 2002
-"Mais, mon Père", objecte timidement le curé, "la pluie menace, la procession est impossible..."
-"De la pluie! Il n'en tombera pas une goutte, et la procession est dans le programme."
Il fallut céder. la procession s'organisa et se rendit à pied, à la station de Soual. Croix en tête et bannières déployées. Le char y arrivant à peine, les bœufs furent dételés et la foule les remplaça. Hommes, femmes, jeunes gens et jeunes filles se succédèrent tour à tour, traînant le char richement enguirlandé. On arriva ainsi au pied du village. La montée, étant donné le poids de la statue, paraissait devoir être rude. Les jeunes gens qui, depuis la gare tiraient le char, parlaient d'amener les bœufs.
Les jeunes gens s'avouèrent alors entre eux qu'ils n'éprouvaient aucune fatigue. Tous prétendaient n'avoir en rien senti le poids et même n'avoir point tiré sur les cordes...
... La statue restera onze ans sur la place, adossée au mur de l'église. C'est l'abbé Pauthe, curé de Viviers, qui ayant fait refaire le clocher (grosse tour crénelée de 25 mètres de haut qui remplaça le clocher à toiture à quatre pentes) y fit poser au sommet la colossale statue.
A chanter sur l'air: "Nous voulons Dieu".
Nous venons en foule pieuse
A Viviers pour commémorer,
L'érection si miraculeuse,
De la Vierge du grand clocher.
La Vierge resplendit,
L'aube dore son front de Reine
Et son doux regard nous sourit.
2° couplet
Marchant dans sa robe de moine,
A la tête des paroissiens,
Le bon Père Marie-Antoine
Obtint le miracle divin.
3° couplet
La statue était trop pesante,
Les attelages épuisés,
Comment gravir la forte pente,
Au sommet comment arriver?
4° couplet
Dételez ces bœufs inutiles
ordonne le père inspiré,
jeunes gens, rendez-vous utiles,
tous au char, poussez et priez.
5° couplet
Prodige au chrétien, seul croyable,
on monta la côte en courant,
la Vierge, Mère incomparable,
fut légère pour ses enfants.
6° couplet
C'est ce touchant anniversaire,
qu'en ce jour nous commémorons,
venus de Navès, Labruguière,
Verdalle et tous les environs.
7° couplet
Ce passé de foi, de confiance,
qu'il revive encore aujourd'hui,
profitons de la circonstance
pour espérer, tous réunis.
8° couplet
Dans notre ciel gronde l'orage,
c'est le deuil, l'horizon est noir,
Mère à travers l'épais nuage,
Jetez-nous un rayon d'espoir.
9° couplet
Vers vous, Mère de l'Espérance,
les pieux enfants se tourneront,
vous sauverez encore la France,
les vrais français vous béniront.
et l'église de Viviers-lès-Montagnes
Le Buste du P. Marie-Antoine à gauche, près de la chapelle de la Vierge, est l'œuvre du sculpteur Paul Pascuito (2008).
La statuette représentant le P. Marie-Antoine, près de la chapelle de la Vierge en gloire, a été sculptée par un artisite burkinabé au cours de l'été 2012, à l'occasion d'un séjour à caractère humanitaire au Burkina Faso du jeune étudiant Valentin Monatgné.