Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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a. Ses derniers moments


LE VENDREDI 8 FÉVRIER 1907 À 5 HEURES DU MATIN DANS SON COUVENT DE LA CÔTE-PAVÉE

LE SAINT DE TOULOUSE S'EN EST ALLÉ
LES DERNIERS MOMENTS DU P. MARIE-ANTOINE par le P. Ernest-Marie de Beaulieu (1908)
Son dialogue ultime avec Jésus,
les derniers mots manuscrits du Père .../...
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Le Seigneur, qui l'avait destiné à de grands travaux,
l'avait doué d'une constitution spéciale et taillé en géant. Mais lui-même, à force de traiter son corps en quantité négligeable
, ne lui accordant aucun répit, le chargeant à outrance, avait encore augmenté sa résistance extrême. Sans que ses forces en fussent atteintes, sans que son immense travail s'en ressentit en rien, il savait se passer de sommeil et de nourriture, s'imposer des surcroîts de fatigue, supporter le froid et les intempéries. Les sciatiques dont il avait souffert à diverses reprises, une hernie qui lui causa pendant de longues années de la gêne et de grandes douleurs, ne comptaient pas pour lui. Il n'avait pas le temps d'être malade.

Il n'eut pas de maladie, les jours qui précédèrent sa mort: l'accident qui l'emporta ne mérite pas ce nom. Ce ne fut qu'un choc, léger en soi, mais qui, atteignant un organisme affaibli, épuisé, et ne trouvant aucune résistance, causa aussitôt la ruine. On peut dire qu'il est tombé debout, comme il l'avait toujours désiré, comme ses amis, le voyant si vaillant, le lui avaient prédit.


Toutes ses facultés s'étaient jusqu'au dernier jour admirablement conservées. Son intelligence, sa mémoire, étonnaient ceux qui l'entendaient. Et son imagination, comme il arrive d'ordinaire, loin de faiblir en vieillissant, paraissait plus brillante encore. Ses membres n'éprouvaient ni tremblement ni faiblesse, son ouïe demeurait à peu près intacte, et sa vue toujours fine. Comme on s'étonnait qu'il n'eût pas besoin de lunettes: "Le bon Dieu sait bien, disait-il avec son large et bon sourire, que je n'aurais pas le temps de les mettre".

La vieillesse s'accusa seulement par les rides du visage et le fléchissement de la taille. L'âme avait toujours les mêmes ardeurs, et le regard la même vivacité.



Au soir de sa vie, dans un couvent glacé et solitaire.


Au commencement de février 1907
, déjà atteint d'un léger catarrhe, il sortit, par une matinée très froide, pour aller, avec son attelage ordinaire, jusqu'à l'autre extrémité de la ville, visiter un prêtre de ses amis. Son mal s'aggrava, et, le même jour, Rosalie Landes, ayant eu à traiter avec lui, s'effraya de voir la décomposition de son visage et d'entendre sa parole embarrassée. Jamais elle n'avait remarqué en lui cette fatigue et cette gêne. Elle lui recommanda de se soigner, de ne point sortir, de conserver autour de lui une douce chaleur. A quoi le Père, qui ne savait ce que c'était que les soins, répondait en souriant: "Ce ne sera rien, j'ai rêvé que la sainte Vierge venait me promettre encore trois ans de vie." Il n'avait plus qu'une semaine à passer en ce monde, mais Dieu voulait, tout en le préparant à la mort, bannir de son esprit toute anxiété et toute préoccupation.


Remplie de mauvais pressentiments, la bonne Rosalie prévint un religieux du voisinage, l'exhortant à surveiller le vénérable vieillard.

Le lundi 4 février, fête de saint Joseph de Léonisse, Capucin, le P. Marie-Antoine put, une dernière fois, quoique avec beaucoup de fatigue, célébrer la sainte Messe. Dans son désir de remonter à l'autel, il demeura à jeûn, le lendemain, une grande partie de la matinée, mais dut finir par se rendre aux conseils de son entourage qui l'en dissuadait.
                                                                                                                                                                                                              
Les forces lui manquaient, au point qu'il ne put même quitter le lit, ce qu'il trouvait très étonnant.                                                          Son attelage ordinaire
"C'est la première fois que celaCarriole2.jpgm'arrive", ne cessait-il de répéter. Le religieux, chargé de veiller sur lui, lui offrit, le mercredi matin, de lui apporter la sainte Communion, ce que le malade accepta de grand cœur, se bornant à demander, pour s'y préparer plus spécialement, si on la lui donnerait en viatique. Le moment ne semblait pas encore venu, et ce n'est que la nuit suivante qu'on jugea à propos de lui proposer ce suprême secours. Le délire commençait et la faiblesse était extrême quand, à onze heure du soir, on dut lui annoncer qu'il était en danger. Par une grâce spéciale de Dieu, le délire cessa. Le vénéré mourant parut sortir d'un profond sommeil et eut un peu de peine à se rendre compte de ce qui se passait. Puis, comprenant tout, il fit un acte d'abandon et s'en remit à la volonté de ceux qui l'entouraient.

"Désirez-vous vous confesser encore? lui demanda-t-on. - Oh! oui, dit-il, et je veux faire une confession générale depuis mon enfance." Il la fit en effet, malgré son état de fatigue, avec toute sa connaissance et des sentiments de piété extraordinaires.

Avant de recevoir le saint Viatique, il renouvela sa profession religieuse, puis, de lui-même, demanda pardon à ses supérieurs et à tous ses confrères, de toutes les peines qu'il avait pu leur causer involontairement, s'accusant avec une grande humilité de ses défauts et de ses négligences. Après avoir communié et reçu l'Extrême-Onction et l'Indulgence plénière, il renouvela encore cette auto accusation et se plongea dans le silence de l'action de grâces: sur son visage, aucune trace de crainte ou d'émotion pénible. Il partait pour le ciel le plus naturellement du monde, sans effort et sans regret. "Maintenant, dit-il au Père qui venait de l'administrer, je m'en vais me reposer." Il se laissa envelopper dans ses couvertures et reposa, en effet, pendant trois heures.

Le lendemain, veille de sa mort, le délire ne le quitta guère. Il reconnaissait pourtant ceux qui le visitaient et leur racontait, tout heureux, comment on lui avait donné dans la nuit les derniers sacrements.




 
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Un religieux et un serviteur le veillèrent la nuit suivante, la dernière qu'il devait passer en ce monde. Le cher malade voulait se lever. Il avait à faire, disait-il, des visites de charité et d'apostolat, visites si suaves à ceux qui le recevaient et si fécondes en fruits d'édification. Ami fidèle et religieux parfait, avant d'être à jamais immobile, il voulait en faire deux encore: l'une à son Père Gardien, l'autre à M. l'Archiprêtre de la cathédrale Saint-Etienne. Le seul mot d'obéissance suffit à mettre fin à ces imaginations de malade.

Il se mit alors à prier, comme il l'avait fait à plusieurs reprises, tout haut, solennellement, récitant des Pater et des Ave Maria et demandant qu'on lui répondit. Le nom de Lourdes revenait fréquemment sur ses lèvres: ces dernières prières, il semblait les réciter devant la Grotte où il prêchait les pèlerins. La chère vision de toute sa vie passa encore sous ses yeux, et il répétait, avec des élans pleins de flamme: Ave Maria!

"Vous êtes fatigué, mon Père, reposez-vous!" lui disait-on. - "Moi, fatigué! Oh! non." Et son cœur devait ajouter ce que tant de fois dans sa vie il avait répondu à ceux qui lui parlaient de fatigue: - "Je me reposerai au ciel!" Ce repos était déjà si près de lui.

Pour mieux le convaincre, le religieux lui objecta alors sa propre fatigue et celle de son compagnon. "Ah! vous êtes fatigué, reprit le mourant, vous êtes fatigué de prier! Moi je ne suis jamais fatigué de prier!"

Son regard se fixait davantage, puis, rompant le silence, il dit d'un ton grave: "Sachez que je vais droit au ciel! N'écoutez jamais le démon. Moi, je ne l'ai jamais écouté: aussi, je vais droit au ciel."

Ce furent ces dernières paroles. Bientôt la poitrine devint plus oppressante. L'expectoration se faisait difficilement, elle cessa tout à fait, et, quelques instants après, sans agonie, sans effort, le saint religieux s'envola de ce monde, au moment même où le Père, qui faisait la recommandation de l'âme, arrivait à la fin des prières, implorant l'intercession des saints et des élus de Dieu pour que l'agonisant, délivré des liens de la chair, fût admis dans le sein de la céleste gloire. Il était cinq heures du matin, le vendredi 8 février.

 
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Ils seront des milliers à défiler, des files sans fin, silencieuses, durant deux jours, dans la chapelle d'un couvent vide depuis plus de trois ans de tout mobilier et ornements.







 

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