Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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a. Le contexte historique

etude

Père Marie-Antoine de Lavaur Capucin

Extraite de l’interview de Jacqueline Baylé,

parue dans le Bulletin de Littérature Ecclésiastique, 

de l’Institut Catholique de Toulouse

et réalisée par l’abbé Jean-François Galinier-Pallerola (avril-mai-juin 2012)

 

Le contexte historique

1. Deux réalités à mettre en clarté

Deux réalités s’opposent, qui font le paradoxe de ce XIXe siècle.

Une réalité, celle du monde, qu’on situe généralement à partir des « Encyclopédistes », Voltaire, puis la Révolution, un anticléricalisme galopant sur le plan des idées : «Bourgeoisie criminelle, que fais-tu ? s’écrie le P. Marie-Antoine en 1880[1]. Qui t’a donc aveuglée ? En arrachant ton cœur au Christ, qui t’a donc si bien appris à creuser des abîmes ? » Des idées qui amènent à passer aux actes, quand, la franc-maçonnerie aidant, elles atteignent la tête et les rouages de l’État. Cet anticléricalisme connaît alors son apogée avec les persécutions des religieux, la laïcisation de la France et la séparation subie de l’Église et de l’État. De cette réalité-là, l’Église de France ne s’est jamais tout à fait remise.

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Prenons l’exemple des Capucins. Une poignée d’entre eux s’est réintroduite en France, presque subrepticement, en 1817. Quand le P. Marie-Antoine est envoyé, à la demande de l’archevêque de Toulouse, fonder un couvent à Toulouse en avril 1857, à 31 ans, son ordre compte en France 95 religieux répartis dans neuf couvents, alors qu’ils étaient, avant la Révolution, 3600[2]. On les réclame partout, mais ce sont les vocations qui manquent. « Ah! si j’avais su la philosophie, confie le P. Marie-Antoine à un jeune religieux qui l’étudiait, quel bien j’aurais fait, que je n’ai pu faire! mais je n’ai pas pu l’étudier, il y avait trop de ruines à réparer. »[3]. Et c’est dans les cinq dernières années de l’Empire que le missionnaire situe le moment où, surtout dans les grandes villes comme Toulouse, le climat commence à se détériorer : « En 1866 et 1867, écrit-il, eurent lieu les dernières missions à Toulouse. Toutes celles qui y ont été prêchées depuis, ne sont qu’une ombre en comparaison des premières. Il en a bien été ainsi dans la France entière, mais nulle part l’effondrement moral n’a été plus sensible que dans ma chère ville de Toulouse. »[4]  La misère et les injustices sociales d’une France qui se modernise, sous le Second Empire, au dépens des plus pauvres, n’y sont pas pour rien. On est loin du catholicisme triomphant qu’on prête au missionnaire !

 Le P. Marie-Antoine devant le couvent de la Côte-Pavée qu'il a fondé à Toulouse

Et puis, il y a une autre réalité, qui peut déranger, car, elle, clairement surnaturelle mais tout aussi factuelle en ce siècle : la proclamation des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Infaillibilité du pape ; les apparitions de la Vierge Marie à Lourdes venue confirmer le dogme de l’Immaculée et faire des miracles. La Mère de Dieu a parlé aux français et au monde dès 1830 rue du Bac à Paris, puis à La Salette, et plus tard à Pontmain et Pellevoisin. Autres réalités factuelles, les foules de pèlerins qui accourent à Lourdes par milliers, avec leurs malades, à partir de 1868 ; un missionnaire infatigable aux charismes exceptionnels de la carrure d’un P. Marie-Antoine ; l’éclosion d’une multitude de congrégations religieuses, le plus souvent dédiées à la Mère de Dieu, et donc de vocations. C’est bien le paradoxe de ce siècle, d’être le plus rationnel, et même rationaliste, et le plus spirituel. On ne peut pas étudier et porter de jugement sans tenir compte de ces deux réalités à la fois. Ne tenir compte que d’une d’elles, c’est aller au non sens, voire au contre sens. C’est la raison pour laquelle, penseurs, historiens, philosophes, théologiens, pour certains d’entre eux, s’y trouvent gênés, déroutés. Alors, on préfère s’en détourner, passer par-dessus, comme si ce siècle ne comptait pour rien. Comment leurs esprits rationnels de « savants » peuvent-ils prendre en considération l’action réelle, directe, de Dieu sur les hommes, le seul moyen cependant de trouver les bonnes réponses ? Mais aussi, comment accepter une série qui n’en finit pas de « défaites apparentes de Dieu », en dépit de ses interventions et nos prières, au nom de la liberté de l’homme ? Un mystère qui est le secret de Dieu.

 

2. Les catholiques face à la politique anticléricale

Les catholiques de ce pays ont-ils « supporté sans se révolter, ou même ont-ils approuvé, la politique anticléricale qui expulse les religieux, interdit l'enseignement congréganiste et sépare brutalement l'Eglise et l'Etat ? » À chacun d’en juger. N’oublions pas, tout de même, la manifestation monstre place de la Concorde, le 27 juillet 1902, pour la défense de la liberté de l’enseignement, la multitude de démissions dans tous les corps de l’État en ces temps troublés. La guerre d’usure subie : campagnes de dénigrement bien orchestrées, décrets de remplacement quand les lois sont rejetées. Pour ne parler que des expulsions de 1880, il a fallu attendre près d’un mois, sur tout le territoire, entre l’expulsion des Carmes, le 14 octobre, et celle des autres communautés, les 3-8 novembre : des hommes barricadés nuit et jour, à tour de rôle, dans les couvents près des religieux, des femmes priant dehors depuis l’aube, tentent de protéger les religieux, sans connaître le jour de l’assaut, tous non violents par définition, face à des troupes, police et armée, cent fois plus nombreuses que nécessaire ; cette tactique de « pourrissement », est bien connue des services d’ordre de tous les temps pour décourager d’emblée toute résistance…

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[1] Le Livre des Proscrits, édition de 1881 Victor Palmé, Paris – Edouard Privat, Toulouse, p. 11. Éditions du Pech, 2011, p.10.

[2] P. Irénée d’Aulon, Histoire des Frères Mineurs Capucins de la Province de Toulouse, Les Voix franciscaines, 1936

[3] Nos Plaies sociales et la Mission de Bernadette, préface du F. Jules d’Albi p. 32. Éditions du Pech, 2011.

[4] P. Ernest-Marie de Beaulieu, Le Saint de Toulouse, Vie du P. Marie-Antoine, édition 1908, p. 139. Éditeurs Voix Franciscaines – Sistac Toulouse. Le P. Ernest-Marie de Beaulieu, capucin contemporain du P. Marie-Antoine, a publié sur lui six biographies aux titres similaires : 1908, 680 pages, 1909 : 326 pages, 1928 : 502 pages, 1929 : 34 pages, 1937 : 282 pages, 1946 : édition post mortem, 47 pages. Ces éditions présentent un tronc commun, mais diffèrent dans leur contenu.


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