Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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g. Une réputation de sainteté

etude

Père Marie-Antoine de Lavaur Capucin

Extraite de l’interview de Jacqueline Baylé,

parue dans le Bulletin de Littérature Ecclésiastique, 

de l’Institut Catholique de Toulouse

et réalisée par l’abbé Jean-François Galinier-Pallerola (avril-mai-juin 2012)

  

Une réputation de sainteté

1. de son vivant

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 Il n’avait pas, en effet, 40 ans, et on l’appelait déjà le « saint de Toulouse ». D’abord par sa tenue de frère mendiant, son comportement vis à vis des pauvres et des souffrants : « Il s’usait à ce perpétuel contact avec la douleur d’autrui, devenue sa propre douleur, et il accumulait une telle charge qu’il lui attribuait les ravages sous lesquels son corps, cependant si robuste, semblait à la fin succomber. »[1]. La parfaite cohérence entre ses paroles et ses actes frappe les témoins : « ce qu’il prêchait, il le faisait d’abord ».[2]  Son attitude dans la prière, ses longs temps d’oraison, d’action de grâce après sa messe sont bien attestés. De son vivant, sa réputation internationale se construit autour du récit de ses miracles, des conversions qu’il obtient, des guérisons qu’il procure, à Lourdes notamment ; un vitrail de la basilique de N.D. de la Trinité à Blois, construite dans l’entre-deux guerres, représente la guérison par le capucin, d’une mère aveugle mère de trois enfants.

 

C’est surtout au confessionnal qu’on lui reconnaît le pouvoir de lire dans les cœurs et les consciences. « Un des faits les plus fréquents, écrit son biographe, c’est la bénédiction de saint François donnée par ses mains aux foyers stériles, et suivie de l’effet désiré »[3]. Si le Père est prolixe quant aux grâces de conversion qu’il obtient de la Sainte Vierge, il reste muet sur des guérisons obtenues de son vivant, comme celui de la maman aveugle que nous connaissons grâce à un témoin, ou de la guérison, reconnue, sur l’esplanade des sanctuaires, à Lourdes, de la Toulousaine Anastasie Fabre qu’on a tirée de la Grave en juin 1877 atteinte d’une ostéomyélite au dernier degré[4].

 

2. les mortifications et l’ascèse active du P. Marie-Antoine relevent-elles

de pathologies psychiques ?

 

Voilà bien une question de notre monde matérialiste et jouisseur prompt, dans l’orgueil de ses connaissances, à juger autrui de grands mots savants, mais jamais soi-même. Dieu, selon l’Église catholique, n’a-t-il pas donné l’exemple en acceptant, en permettant, en planifiant pour le salut du monde, sa passion et sa crucifixion, dont les études entreprises sur le suaire de Turin montrent la violence insupportable? À sa suite, et dans l’amour, une multitude de saints de tous les temps et de tous les continents, et pas seulement du temps du P. Marie-Antoine, ont vécu cette « ascèse active ». On juge l’arbre, dit-on, à ses fruits. Le P. Marie-Antoine ne s’en vantait pas, il n’en a jamais parlé, seulement des témoins. Il n’y entraînait pas ses pénitents, respectant tous les chemins de sainteté, à lire les descriptions qui ont été faites de lui confesseur : « En face de ces maux profonds, le grand médecin se révélait, éclairé, expérimenté, énergique et habile… il se chargeait de l’examen, mettait dans l’âme de ses pénitents les dispositions requises, puis les renvoyait charmés »[5]… « Un directeur de conscience charitable, il avait le don de ramener la paix dans les âmes troublées… »[6] « C’est un plaisir de se confesser au Père, disaient les pénitents, dont la miséricorde scandalisait presque les confesseurs d’alors… »[7]  Et il était un prédicateur joyeux : « Il excelle à assaisonner ses discours, ses gloses de saillies spirituelles, de traits piquants, un bon mot, jamais vulgaire, qui déride son auditoire et grave dans les esprits la leçon qu’il veut donner, car il est toujours pratique et vise toujours un but utile. »[8].

 

Comme religieux enfin, il se montre en homme structuré, équilibré, d’une grande unicité. S’il y a ascèse, « sa mortification s’ignorait elle-même, comme s’ignore l’humilité. Il la pratiquait sans s’en douter. Il était mort à Dieu, et il parlait, il agissait comme tel, ne s’inquiétant pas de son corps qui était comme inexistant. »[9]. Mais, « il avait, pour ceux qui le côtoyaient même ordinairement, le tact, le sens de la mesure. »[10] « Rarement on a trouvé si harmonieusement réunis en un seul homme les œuvres extérieures accablantes et la ferveur de l’esprit intérieur, le zèle et la prière, le travail et le repos, la vie active et contemplative. »[11]. « La vie du ‘Saint de Toulouse’ est d’une admirable unité, mais elle est aussi une continuelle ascension. La nature l’a comblé de ses dons, la grâce les a perfectionnés. Quand la fin approche, l’œuvre a reçu son couronnement. »[12]

 

3. le P. Marie-Antoine objet d’une importante vénération aujourd’hui encore

 

Les Carmes accueillent avec amitié, par reconnaissance pour le fondateur de leur grand couvent, Toulousains et gens de passage venus prier sur sa tombe, qui fut toujours fleurie et honorée. La convergence de plusieurs événements explique et accroît la connaissance et l’amour d’un public large et très diversifié envers le Serviteur de Dieu, pour qui le passage au couvent des Carmes est un passage presque obligé sur la route de Lourdes ou de Saint-Jacques de Compostelle : la sortie du livre biographique que j’ai publié aux Éditions du Carmel, en 2006, Le Saint de Toulouse s’en est allé, qui connaît depuis un an sa 3° édition ; les nombreux articles et dossiers qu’il a suscités dans la presse catholique ; la belle exposition qui a parcouru 25.000 km pour l’année du centenaire de sa mort (2007), présentée dans 50 lieux, cathédrales, églises, chapelles, symbolisant les 50 ans d’apostolat du P. Marie-Antoine, bien accueillie par la presse régionale ; la création d’un site internet, qui a moins de trois ans et compte 75000 visiteurs ; et depuis 2009, la création d’une maison d’édition, les Éditions du Pech, consacrée aux écrits de ou sur le P. Marie-Antoine, et qui lui vaut plus qu’un succès d’estime.

           

4. Quel bien spirituel attendre d’une béatification

de cette figure de capucin du XIXe ?

 

La procédure est en cours et c’est une suite d’événements fortuits qui semble l’avoir relancée. Je n’aurais jamais imaginé que je présiderai un jour une association œuvrant pour la béatification d’un vieux religieux barbu, au regard, il est vrai, saisissant de bonté, que j’ai rencontré fin 2001, découvrant son portrait au-dessus de sa tombe dans la chapelle des Carmes. Depuis sa création, les choses vont vite, à la fois décidées et inattendues, et très facilement. J’en conclus que le P. Marie-Antoine a quelque chose à nous dire, et que c’est son moment, me souvenant de ce que prononçait le cardinal Saliège, qui s’intéressa vivement à sa cause : « le P. Marie-Antoine arrive toujours à ses fins. Il a gagné de son vivant tant de victoires, s’est joué de tant d’obstacles, qu’il saura  obtenir le même succès de Rome. »[13]

 

En quoi le P. Marie-Antoine nous touche aujourd’hui et peut nourrir la spiritualité de nos contemporains ? Son sens des petits, des pauvres. Il aimait les pauvres d’instinct, et il avait le don, par ses procédés délicats, de les charmer[14].  Son amour pour eux, dit un de ses confrères, était un amour actif, empressé, dévorant, qui ne lui laissait aucun repos.[15] « Encore une fois la charité, la charité ! Dieu n’est que là, écrit-il. En dehors de là, toutes les grimaces de la religion ne sont rien. »[16]

 

Et, par-dessus tout, la force de sa foi, la simplicité à l’exprimer avec pédagogie, son aisance toute naturelle à se mouvoir dans le surnaturel, ses accents de vérité, sa fidélité à l’Évangile et à l’Église, cette honnêteté intellectuelle qui lui faisait « faire d’abord ce qu’il prêchait », sa personnalité bien présente et son autorité, avec ses outrances et ses folies qui se rient de la prétendue sagesse du monde. Finalement, beaucoup de bon sens. Les témoignages sont là : son enseignement, qui s’adresse au cœur autant qu’à l’intelligence, est de tous les temps. Ce qu’il apporte, c’est peut-être ce qui manque le plus cruellement à notre temps : cette fraîcheur dans la foi et l’amour de Dieu, toute franciscaine.

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[1]  P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition 1908, p. 422.

[2]  Abbé Gueniot, curé de Saint-Étienne, Semaine Religieuse de Saint-Dié du 1er mars 1907.

[3] Idem. Cette grâce, obtenue par l’intercession du Père, envers les foyers stériles, les Clarisses de Toulouse, l’ont maintes fois entendue, aujourd’hui encore.

[4]  Idem p. 220

[5]  Idem, p. 235.

[6]  Idem, édition de 1908, p. 491.

[7]  Idem, édition de 1937, éditeur les Voix Franciscaines , p. 152.

[8]  Idem, p.150.

[9]  Idem, édition 1908 p. 405.

[10]  Édition 1928, p. 234.

[11]  Édition 1937, p. 221.

[12]  Edition 1928 p. 375.

[13]  P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition 1937 p. 274.

[14] P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition 1928 Préface de Germain Breton, recteur de l’Institut catholique p. IX.

[15]  Idem, édition 1937 p. 241.

[16]  Lettres à sa famille, p. 260. Réédition du Pech p. 312.


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