Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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h. Ses écrits et l'opportunité de leur réédition

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Père Marie-Antoine de Lavaur Capucin

Extraite de l’interview de Jacqueline Baylé,

parue dans le Bulletin de Littérature Ecclésiastique, 

de l’Institut Catholique de Toulouse

et réalisée par l’abbé Jean-François Galinier-Pallerola (avril-mai-juin 2012)



   

Les écrits du P. Marie-Antoine et leur réédition

 

1. œuvre de propagande en son temps ?

 

Il y a des mots « in », et des mots « out » dans notre vocabulaire. Propagande fait partie aujourd’hui de ces derniers. À cette réserve près, ses œuvres ne sont pas neutres, ce sont en effet des œuvres de propagande. Et pas seulement ses écrits : ses sermons, aussi, ses gestes missionnaires, sa personne même est propagande. Rendez vous compte, un crucifix planté dans la corde serrant sa taille, ses pieds nus par tous les temps dans des sandales… Qui disait : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » ?  Et encore : « Je ne prie pas seulement pour tous ceux que Tu m’as donnés, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi » ? Il le revendique, d’ailleurs : « Nous n’étudierons que le côté militant et doctrinal de la foi, nous contentons de signaler son côté pieux et mystique développé dans tous les livres de piété. »[1]


 

On voit, parce qui a été dit, notamment à propos de sa croisade antonienne, le rôle que le missionnaire assigne à ses écrits. En fait, il répond à l’un ou l’autre des quatre objectifs suivants : enseigner la doctrine de l’Église ; offrir des écrits qui prolongeront, confortent les fruits de ses missions ; les diffuser, tracts compris, quand on le prive de la liberté d’aller, de parler, d’agir, et qu’on prive du même coup les chrétiens de leur liberté d’opinion et de croyance ; éclairer sur les positions de l’Église et du vicaire du Christ, les défendre quand ils sont attaqués, à la place et avec les armes qui sont les siennes. Apparemment, il ne s’y prend pas si mal, puisque ses contemporains en redemandent. Peut-être parce qu’il y met, outre ses qualités intellectuelles, tellement d’amour, d’oubli de soi et de pureté qu’on a irrésistiblement envie de croire en ce qu’il croit avec tant de force joyeuse ?


 

2. Les Éditions du Pech ont entrepris la réédition de ses œuvres.

Quel est cet éditeur ?


 

Les Éditions du Pech, tirent leur nom de la colline qui domine Lavaur, où le P. Marie-Antoine a fondé, au milieu d’arbres qu’il fit planter généreusement, la jolie chapelle dédiée à Notre-Dame de Consolation, au moment où l’on fermait les églises plutôt qu’on en ouvrait (1901). Elles sont une émanation de l’APMA. Leur conseil d’administration est commun. Leur statut est donc associatif. Elles ont été créées avec l’aide et les conseils des Éditions du Carmel. Nous publions trois à quatre titres par an.

 

 

3. Vers une réédition des œuvres complètes. Selon quels critères ?


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Nous les rééditerons presque toutes, dans un ordre chronologique, à l’exception des manuels de piété, souvent volumineux, et dont une grande partie, liturgique et pratique, cantiques etc… n’offre pas d’intérêt aujourd’hui pour le grand public[2]. Cependant, les chapitres très forts sur la foi, de deux manuels[3]  parus la même année, 1882, qui se complétaient de toute évidence, nous ont amenés à publier en janvier 2012, L’homme est fait pour la foi. Le titre, que je trouve très beau, est celui d’un de ces chapitres. Après le drame des expulsions de 1880 et la publication du Livre des Proscrits la même année, le missionnaire a peu publié jusqu’en 1888, sinon des rééditions,  et ces manuels de piété. Il était intéressant de montrer quelque chose de cette période.


 

Il y a une autre catégorie d’œuvres que nous ne publierons pas. Ce sont, les récits, cinq en tout, de ses missions en pays protestant, qu’on jugerait polémiques aujourd’hui. Du temps du P. Marie-Antoine, il y avait doute sur la valeur du baptême protestant. « Sont-ils même baptisés ? » pouvait se demander le missionnaire. Quand un protestant se convertissait pour entrer dans l’Église catholique étant déjà baptisé, le baptême était donné « sous réserve » ou « sous condition ». Vatican II a apporté une réponse à ce qui, officiellement dans l’Église, constituait un doute : le baptême protestant est le « lien sacramentel d’unité existant entre les chrétiens qui ont été régénérés par lui » qu’il représente[4]. Nous ne publierons donc pas ces ouvrages pour les faire connaître à un large public, mais nous ne les cacherons pas non plus à un public plus averti de chercheurs, bien au contraire. Il était, avec amour et générosité, dans la droite ligne des grands et saints missionnaires de l’Église de tous les temps, « combattant l’erreur mais pas les hommes ». Il n’était d’ailleurs pas envoyé par sa hiérarchie ou l’évêque du lieu pour convertir les protestants, mais pour raviver la foi chancelante de minorités catholiques souvent modestes socialement.


 

4. Les éditions du Pech livrent le texte brut :

pourquoi pas une édition critique ?


 

Le 1er tome du Lis Immaculé connaît une 2ème édition. Prier avec le Rosaire du P. Marie Antoine a été tiré à 6.000 exemplaires, Prier avec Joseph et la Sainte Famille est en train de connaître le même succès : deux livrets de dévotion de 24 pages, tout en couleur, à la présentation soignée. Le troisième sort ce mois-ci, Prier avec les Trois Ave Maria. Les autres titres s’écoulent tranquillement, mois après mois, après une pointe à leur sortie. Notre intuition ne nous a pas trompés. J’ajoute que nous sommes encouragés, et les contenus appréciés, par d’importantes et nombreuses personnalités ecclésiastiques, religieuses, universitaires qui nous le disent, nous l’écrivent. Certaines sont d’ailleurs devenus nos conseillers.


 

Poussés, par toutes sortes de circonstances, à éditer, suivant un ordre chronologique, une œuvre, puis une autre, nous avons eu quelque hésitation à continuer. Et si ces publications débouchaient sur des polémiques néfastes à la cause même que nous défendons ?  Nos craintes s’envolent devant les faits et notre confiance s’affermit. Disons que le Père Marie-Antoine doit reprendre du service !


 

Dans cette logique, il nous est apparu important de présenter ses œuvres « brut de décoffrage ». Elles se suffisent à elles-mêmes pour satisfaire les objectifs que nous nous sommes donnés. C’est, concernant les Éditions du Pech, une affaire entre lui et son lecteur, et non entre lui et les universitaires d’aujourd’hui. Leur édition critique en tant que représentation d’une époque, n’est pas notre sujet, même si nous faciliterions volontiers, parallèlement, une ou des études critiques de ses écrits selon des critères universitaires. Notre ligne éditoriale aujourd’hui trouve son expression implicite dans une continuité de l’homme avec lui-même et face à Dieu, une continuité de l’Église avec elle-même, sans rien nier des réalités de notre époque, et en les intégrant pleinement. Expression qui est adhésion sereine et joyeuse à l’Eglise d’après le concile Vatican II.


 

Les ventes qu’atteint la réédition de ces livres montrent, c’est mon sentiment, que les catholiques, en perte de repères sociétaux dans un monde hostile, trouvent dans les écrits du P. Marie-Antoine quelque chose qui correspond à leur attente et les rassure comme une retrouvaille bienheureuse avec une culture subconsciente : une vérité d’Église, une vérité de Dieu, une vérité de toujours, toute simple, commune. «Tout ce qui est compliqué n’est pas de Dieu, écrivait-il aux Clarisses de Périgueux : Dieu est simple en tout. »[5]

 

[Bulletin de Littérature Écclésiatique, BLE  Avril-Juin 2012, publié par l’Institut catholique de Toulouse  www.ict-toulouse.fr/ble]

 

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[1] Trésor des Curés pour la Direction des Congrégations et l’Instruction de la Jeunesse, Éditions Paul Privat, Toulouse, 1891, au contenu identique (même pagination) au Grand Manuel doctrinal de la parfaite Congréganiste à l’usage des Enfants de Marie, Toulouse-Paris, 1882, 462 pages, p. 193.

[2]  Une exception pour confirmer cette règle et la chronologie : nous publierons en juin 2012 le Manuel du Pèlerin, en l’occurrence de Notre-Dame de Consolation, dans sa presque intégralité, en y ajoutant une courte partie d’informations pratiques sur le sanctuaire aujourd’hui ; ce, à la demande des Vauréens, Lavaur étant la ville natale du Père. Publié en 1898 à Toulouse, 178 pages, ce sera une bonne représentation du genre.

[3]  Manuel de la parfaite Congréganiste, déjà cité, et Manuel du pieux pèlerin.

[4]  Catéchisme de l’Église catholique, édition française de 1998, § 1271.

[5]  P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition 1908, p.491.


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