Texte à méditer :   Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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L'apôtre de Marie à Rocamadour

EN MARGE DU PÈLERINAGE À ROCAMADOUR ET SALVIAC 11-12 JUIN 2016

Sur les pas du Père Marie-Antoine
 

L'APÔTRE DE MARIE À ROCAMADOUR


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Son premier pèlerinage mariale, de retour en pays toulousain

 

Le P. Marie-Antoine, envoyé à Toulouse après son noviciat au couvent des Capucins de Marseille et une année de prédications dans la région entre Marseille et Toulon, y arrive le 25 avril 1857. Si sa première démarche est de mettre son apostolat sous la protection du premier évêque de Toulouse, saint Saturnin, son premier pèlerinage marial est, la même année, à Rocamadour.

Dès l’année suivante, 1858,  il est appelé, au pied levé, à animer la retraite traditionnelle de la nativité de la Sainte Vierge pour 30 000 pèlerins. On vient prier en foule depuis le XIIe siècle la Vierge noire de Rocamadour dans la cité arrimée à son rocher. Ce pèlerinage marial, le plus célèbre de France avant que n'existe Lourdes, a fêté en 2013 son millénaire. Au siècle dernier, le célèbre compositeur français, Francis Poulenc (1899-1963)[1], revenu à la foi après un pèlerinage à Rocamadour en 1935, a mis en musique de superbes litanies.

Le succès de cette retraite est tel, que le P. Marie-Antoine est redemandé pour l’année suivante. On a de lui, à cette date, une longue lettre à sa famille

 

Lettre du 9 septembre 1859, de Rocamadour, à ses parents

 

« Où croyez-vous que je suis ? Sans m’y attendre et pour mon plus grand bonheur, où diriez-vous que je suis ? Vous devez avoir deviné, bien-aimés parents, que votre pauvre enfant est dans le Sanctuaire à jamais béni de Rocamadour. J’ai déjà beaucoup prié la bonne Mère pour vous, et ici on ne la prie jamais en vain. Oh, quelle est bonne, Marie ! Quelle est grande ! Qu’il est doux de l’aimer ! Voilà ce qu’on ne peut cesser de répéter au milieu de ce concours immense de pèlerins, dont la présence semble donner à cet antique sanctuaire une jeunesse toujours nouvelle.

« Figurez-vous que pour aller à Marie, nous passons par le même chemin où passait Zachée, qui avait reçu Jésus dans sa demeure, et dont l’épouse Véronique avait essuyé la face du Sauveur.

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Où passait Clovis, après sa conversion, quand il venait incliner son front de fier Sicambre devant Marie, après l’avoir incliné devant Dieu. Où passait Charlemagne quand il venait offrir à Marie sa couronne et son empire, ou qu’il allait avec Roland, le pieux chevalier, repousser et mettre en pièces les terribles légions des Barbares. Où passait saint Louis quand il allait aux Croisades. Où passait sans Antoine de Padoue, mon glorieux patron, quand il se rendait à Limoges et dans ces pays voisins de Rocamadour, pour y combattre les hérétiques et y relever les autels du Seigneur. Où passaient enfin tant de grandeurs du ciel et de la terre.
Le chemin de croix, ce chemin antique où sont passés
Zachée, Clovis ou Charlemagne...

« Ils montaient par les mêmes sentiers où nous montons tous les jours encore et, à deux genoux, ils gravissaient le même rocher que nous gravissons pour aller recueillir cette rose mystique qui s’est épanouie sur les montagnes, et goûter ce miel céleste que Marie, comme une diligente abeille, a préparé avec le suc le plus doux des plus belles vertus, et a caché dans le trou de la pierre, dans la fente du rocher. Toutes les générations sont venues et en ont savouré les délices, et ont oublié un instant les douleurs et les fatigues de l’exil.
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« Voilà le bonheur que je goûte moi-même depuis que j’ai trouvé ma Mère du ciel, Marie. En le goûtant, je pense à vous et, comme Marie sait bien que notre bonheur ne serait complet si vous ne le partagiez pas avec moi, soyez tranquilles et n’en soyez pas jaloux, vous allez en ressentir les heureuses influences, et éprouver, quoique de loin, tout ce que j’éprouve moi-même. Vous n’avez qu’à faire tous les jours ce pieux pèlerinage par la pensée, et à transporter vos âmes dans ce Sanctuaire, sur les ailes de la confiance et de l’amour. « Vous avez d’ailleurs un précieux souvenir de Rocamadour, que je vous ai envoyé l’année dernière. Vous pouvez là tout contempler, tout voir avec les yeux, pendant que votre cœur pourra tout entendre et tout goûter. Vous pouvez m’accompagner, et accompagner mes pèlerins dans tous les moments de leur pèlerinage. Vous pouvez m’y suivre descendant l’étroite vallée, montant au sanctuaire, pénétrant dans le creux du rocher transformé en splendide basilique : vous y voyez la  statue miraculeuse de Marie, devant laquelle je prie pour vous, le confessionnal où, nuit et jour, je réconcilie les pécheurs, la chaire où j’annonce la parole de Dieu à une foule serrée, venue d’Auvergne, du Limousin, du Périgord, du Rouergue ou du Tarn, qui se presse avide de l’entendre, et qui a fait pour cela quinze, vingt lieues à pied. Arrivé auprès du rocher Basilique-inte769rieur3.jpgmiraculeux, ils ne sentent plus la fatigue de la route, et ils passent un jour, deux jours de suite, à prier et à chanter Marie, sans pouvoir quitter la bonne Mère. [2]»

« Je me suis laissé aller à parler longtemps avec vous de cette bonne Mère. Cependant, les pèlerins m’attendent de tout côté. Marie me pardonnera. C’est vous qui m’avez donné à Marie[3], il est bien juste que je vous fasse participer aux joies et aux grâces que Marie me donne. Je vous laisse dans son cœur, vous m’y trouverez sans cesse avec vous . »

Et c’est en pensant à sa jeune sœur, Marie, qu’il termine sa lettre : « J’aimerais bien recevoir un mot d’une autre Marie que j’aime aussi beaucoup, elle est un peu trop avare de ses faveurs et des consolations qu’elle peut accorder à mon âme. Elle ne m’écrit pas assez, et je n’ai pas le temps de la gronder, ou plutôt, je ne peux pas le faire parce que je l’aime trop. « Elle m’écrira ici pour me dire, comme notre Marie du ciel, qu’elle m’aime beaucoup. Ainsi, j’entendrai à la fois ces deux voix si chères, auxquelles papa et maman uniront la leur, pour me répéter ces deux mots si doux. Dans sa lettre, elle pourra mettre un petit acte de consécration que je répèterai, en votre nom, aux pieds de Marie, et si elle veut y ajouter quelques demandes particulières, je les placerai sur son autel pendant le Saint Sacrifice.[4] »

Ce que le P. Marie-Antoine ne dit pas dans cette lettre mais qu’il écriera à un confrère le 14 novembre 1898, le P. Irénée d’Aulon, historien de l’Ordre, « vous me demandez si j’ai inauguré à Lourdes les processions aux flambeaux. - Oui. Je les ai inaugurées déjà à Rocamadour[5], pendant les veilles des pieux pèlerins. L’effet en fut si beau que je ne pus m’empêcher, malgré les hésitations et les craintes des bons Pères de la Grotte (ndlr: on craignait les accidents), de les faire établir à Lourdes, où elles font maintenant merveille. Il en fut de même, quelques années après, pour les processions du Saint-Sacrement, inaugurées dans un pèlerinage du Quercy que je conduisais à Lourdes il y a une douzaine d’années. »[6]

Ces processions aux flambeaux, au cœur de la liturgie populaire de Lourdes, c’était une idée qui trottait dans la tête du missionnaire depuis ses premières conversations avec le curé de Lourdes, l’abbé Peyramale. Mais c’est à Rocamadour qu’il leur en avait donné une application lors d’une fête nocturne qu’il suscita en 1859, où quelques étoiles du ciel semblaient s’être posées sur la terre… et qui s’est continué.

 

Dix ans plus tard, encore à Rocamadour, une nouvelle lettre à ses parents

 

Dix ans seront passés quand le P. Marie-Antoine écrit de Rocamadour - même émerveillement, même jeunesse, même amour, le 17 septembre 1869, "ce jour de la fête des stigmates de saint François »: « Bien-aimé parents, me voici seul sur le rocher miraculeux. Depuis dix-huit  siècles, Marie y fait éclater sa gloire. Je viens de l’y voir briller dans toute sa splendeur, je n’ai plus rien à voir sur la terre. Quand on a vu Rocamadour et ses pèlerins et sa Vierge, quand on a assisté à ces magnificences, à ces miracles de la simplicité, de l’amour, de la foi, on ne peut plus désirer que le ciel !
                Le grand escalier s'ouvre sur l'esplanade du Sanctuaire
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« Vous parler de Rocamadour, c’est impossible, les anges n’y suffiraient pas. Il suffit de dire que Marie, qui est leur Reine, a établi visiblement ici sa demeure ; qu’elle vit ici et qu’elle y règne. Il faut voir Rocamadour. Vous le verrez j’espère un jour. Oui, il faut voir Rocamadour avant de mourir. En attendant, je vous envoie un petit souvenir de ce délicieux et glorieux pèlerinage. Il vous en donnera une idée, mais ce n’est pas la réalité. Il faut sentir et voir. Il faut sentir Marie si près du cœur. Il faut voir ces rochers et ces miracles de l’amour de dix-huit siècles, qui ont fait parler chacun de ces rocs de granit et les ont transformés en autant de sanctuaires. Et surtout, il faut venir dans ces sanctuaires suspendus à la montagne comme des nids d’hirondelles. Il faut voir venir pleurant, chantant, pleurant et montant en se traînant sur leurs genoux, vingt mille, trente mille pèlerins, comme je viens de les voir, de les entendre pendant ces huit jours, et nuit et jour. Dans la nuit, l’église devient comme une demeure céleste. Les pèlerins y veillent et y chantent, et quand le sommeil ferme un instant leurs paupières, ils s’appuient et dorment près de l’autel. J’en ai vu une nuit onze cents dans l’église, et deux ou trois mille sur les escaliers, autour des portes.
 
« Il me semble que c’est un rêve, surtout aujourd’hui où je me retrouve presque seul sur ce rocher, contre lequel sont venus se presser, s’entasser dans un même élan ces hommes et ces femmes semblables à de grandes vagues continues. Il m’a fallu prier Marie de me rendre fort comme ce rocher pour ne pas succomber sous le poids du labeur, et Marie m’a soutenu parce que vous avez prié pour moi. J’ai aussi bien prié pour vous. Je vais dire une dernière fois la messe à Rocamadour, sur l’autel de Marie, et encore vous y serez avec moi. Priez beaucoup pour votre pauvre apôtre, j’ai tant prié pour vous et j’ai uni mes prières à celles de tant de saintes âmes. Plus de quinze mille ont communié ce matin dans cette chapelle sainte. Ils ont communié en grand nombre de mes mains, et c’est à tous que j’ai distribué le pain de la parole, et vous avez part à tous ces mérites, puisque vous priez pour votre pauvre enfant. ».[7]  Après un dîner rapidement avalé, il retournera cependant dans le sanctuaire avec du papier, de l’encre et une bougie, pour préparer le canevas d’une retraite qui l’attend ailleurs. « Nous nous reposerons au ciel. » [8]  Le-Chateau.jpg

 

Dans l’intervalle et jusqu’aux dernières années de sa vie, Rocamadour fit plusieurs fois encore appel au P. Marie-Antoine. D’autant que le chapelain du sanctuaire était, depuis 1874 jusqu’en 1882, l’abbé Sourrieu, futur cardinal et son ami depuis le petit séminaire. N’est-il pas, jeune vicaire de Saint-Gaudens, venu à son secours et le remplaçant durant quinze jours, lui tout aussi jeune curé de Soueich, au lit, exténué, quand le choléra décimait  sa paroisse et quelques autres en janvier 1854 ? Le cardinal Sourrieu restera attaché à Rocamadour. Il y reviendra, alors évêque de Châlons, pour prononcer en 1891 le discours de jubilé sacerdotal de l’évêque de Cahors, Mgr Grimardias, lui aussi un ami du P. Marie-Antoine qu’il a souvent attiré dans sa cathédrale. Mgr Grimardias mourra dans les bras du missionnaire venu prêcher à Rocamadour pour la Pentecôte, le 27 mai 1896. Quelques mois plus tôt, le Père Marie-Antoine prêchait devant lui dans sa cathédrale pour l’Épiphanie. [9]
 
RENSEIGNEMENTS SUR LE PÈLERINAGE 11-12 JUIN 2016 .../...

 
Le Château et ses remparts protégeant le Sanctuaire
 

[1]  Jean Roy, Francis Poulenc, Paris, 1964.

[2]  P. Ernest-Marie de Beaulieu, « Le Saint de Toulouse – Vie du P. Marie-Antoine »,  1908, p. 196, 197.

[3] Son père l’a offert à la Sainte Vierge, dans la cathédrale Saint-Alain de Lavaur, le jour de son baptême, qui était aussi celui de sa naissance, le 23 décembre 1825.

[4]  Idem.

[5] Justement dans cette année 1859.

[6] P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition 1908, p. 211. Ce pèlerinage du Quercy se situe en août 1886. Le P. Marie-Antoine avait contribué à organiser, comme une sorte d’avant-première, la procession du Saint-Sacrement deux mois plus tôt à l’occasion à Lourdes de la clôture du Congrès international eucharistique qui s’était déroulé à Toulouse (20-25 juin 1886).

[7] Lettres à sa famille, p. 149, 150.

[8] Ernest-Marie de Beaulieu édition de 1908, p. 203.

[9] P. Ernest-Marie de Beaulieu, édition de1928, p. 360, 361.


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