Missions à Salviac (Lot)
L’épisode des musiciens ambulants
C’est à Salviac, 2 150 habitants, que se situe l’épisode des musiciens ambulants. Le Samedi Saint, un 27 mars 1875, le Père rencontre deux musiciens ambulants dont les vêtements ne révèlent pas une bien brillante situation. Il s’approche, s’intéresse à eux et les amène, sans plus de cérémonie, déjeuner au presbytère. Le curé ne s’en émeut pas, il en a vu d’autres. Le missionnaire profite de ce déjeuner pour leur annoncer le grand banquet du lendemain, jour de Pâques, à la table eucharistique. « - Toute la population y sera, ne voudriez-vous pas y venir aussi ? » « - Pourquoi pas, avec plaisir. » « - Mais, pour cela, peut-être faudrait-il faire un brin de toilette à votre âme ? » Il les gagne, les confesse, et fait d’une pierre deux coups en obtenant d’eux qu’ils ne feront pas entendre dans les rues, ce jour-là, leurs chansons douteuses, et qu’ils se produiront à l’église, à la grand’messe et à vêpres. Il n’est pas besoin d’ajouter que la journée des musiciens, qui ont accepté de bon cœur de sacrifier leur recette de la rue, n’en a pas moins été, en prime, fructueuse, les fidèles, le premier moment de surprise passé, se montrant ravis et généreux, « et édifiés », ajoute le Père.[1]
Nouvelle mission à Salviac en 1895
Le P. Marie-Antoine sera rappelé vingt ans plus tard à Salviac par son curé, un peu comme on appelle au secours. « Je confiai au P. Marie-Antoine, rapportera-t-il, une situation que me causait une grande souffrance : la présence dans la paroisse d’un prêtre apostat, originaire de la localité. Après avoir fait le brocanteur et gagné quelque argent, il est revenu dans le pays où chacun connaît son histoire, et où ce malheureux prêtre est objet de scandale. Il habite une charmante petite villa, avec son fils et la femme dont il a fait sa compagne. Ces détails émeuvent le Père qui décide d’écrire au prêtre. Une lettre très touchante. Il sollicite de lui une entrevue afin de le relever, de l’aider à sortir du cloaque dans lequel il s’enlise et de le replonger dans les eaux vives de la pénitence qui peuvent laver sa faute. « Vous avez imité Pierre dans sa chute, imitez-le dans son repentir. Et, de même que l’apôtre se frappa la poitrine dès que le coq chanta, regardez souvent le coq symbolique que vous avez placé au faîte de votre maison. Hasard ou Providence, il est prodigieux que vous ayez placé sous vos yeux le symbole à la fois du reniement, et de l’appel éternel au repentir. » L’entrevue est accordée. Notre capucin touche, il ébranle, mais ne convertit pas. « Sans mon fils, dira plus tard l’homme, j’aurais peut-être cédé, et j’avoue même que si un pouvoir humain était capable d’agir sur moi, c’est bien celui du P. Marie-Antoine. C’est un convertisseur, celui-là ! » « - Il faut prier, beaucoup prier, et faire prier », dira le Père en rentrant au presbytère. Peu de temps après, termine Monsieur le curé, retournant à Paris où il a longtemps vécu, l’homme trouva la mort dans une chute en descendant de voiture.[2] »
L’installation de la dévotion à saint Antoine de Padoue
La belle église Saint-Jacques le Majeur de Salviac du temps du Saint de Toulouse. La statue de saint Antoine de Padoue qu'il y a installée en 1896 (à gauche sur la photo, rpoche de la chaire) a été brisée accidentellement, elle vient d'être remplacée, après 120 ans, par celle présentée ici, don des Sœurs franciscaines Missionnaires de Marie de Toulouse. peut-être bénie par le P. Marie-Antoine.
Ce retour à Salviac vingt ans après a été pour le P. Marie-Antoine un rendez-vous bien émouvant: un anniversaire que les paroissiens et leur curé avait voulu célébrer avec lui, et qui aura une suite. Ils conviennent ensemble qu’il reviendra l’année suivante, 1896, pour l’installation du culte de saint Antoine de Padoue. «Le P. Marie-Antoine, peut-on lire sur le registre paroissial, ne fait pas de discours, il répète les principales vérités et les devoirs capitaux de la vie chrétienne. Il prie, il fait prier. En le voyant courbé sous le poids de cinquante années d’apostolat, exténué par les austérités, en le contemplant prosterné sur les degrés de l’autel dans les petits moments de liberté qui lui restent, on est obligé de dire : C’est un saint ! Or, un saint laisse ordinairement des traces salutaires de son passage. Fiat ». [3]
Une autre histoire de saint Antoine et du « Saint de Toulouse » dans le Lot en cette même année 1896
Le P. Marie-Antoine ne prêche maintenant que saint Antoine et son inspiration est toujours neuve pour en parler.[4]
Mgr Grimardias, l’évêque de Cahors, le chef-lieu du Lot avec ses 14 500 habitants, a invité le Père, en 1896, à prêcher dans sa cathédrale pour l’Épiphanie. Mgr Pierre Alfred Grimardias (1813-1896)[5] ordonné prêtre dans le diocèse de Clermont en 1837, a été curé de la cathédrale en 1848 jusqu’à sa nomination en 1866 d’évêque de Cahors. Monseigneur entend bien que le P. Marie-Antoine parle de la fête : « - L’Épiphanie, c’est le sujet qui s’impose. - Bien entendu, Monseigneur, je prêcherai sur le mystère du jour. Mgr Grimardias rassurant : - Saint-Antoine n’y perdra rien. - Oh ! non. » Et voilà notre P. Marie-Antoine en chaire. Il en arrive à parler de son ancienne mission à Cahors en 1857, du triomphe de l’Église acclamée par trente mille hommes. « Aujourd’hui, le Christ est ignoré. Le peuple l’oublie, les grands le méprisent et le persécutent. Le voilà de nouveau renfermé dans sa crèche, tout petit, impuissant en apparence. Mais gardez l’espérance ! Il reste fidèle à sa mission telle que son Père la lui a confiée jusqu’à la fin des temps. Sa volonté est constante : Jésus veut régner, Jésus veut attirer toutes choses à lui, et, comme à l’Épiphanie, il fait briller, pour se manifester et préparer son triomphe, une étoile : cette étoile, c’est saint Antoine de Padoue. » Le Père a tenu parole, il n’est pas sorti de son sujet, mais il n’a parlé que de saint Antoine.[6] Rappelons que Mgr Grimardias mourra dans les bras du Missionnaire, à Rocamadour, cette même année 1896, le 27 mai.
[1] P. Ernest-Marie de Beaulieu, 1928, 421.
[2] Idem, 349, 350.
[3] P. Ernest-Marie de Beaulieu, 1928, 349.
[4] Idem, 1937, 207.- 1909, 288.
[5] Semaine Catholique de Montauban et de Cahors, 5 janvier et 16 février 1866.
[6] P. Ernest-Marie de Beaulieu, 1928, 360, 361.