Le Vénérable Père Marie-Antoine de Lavaur, capucin, appelé Le Saint de Toulouse (1825-1907)
  
 
 
 
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Rodez: la Croix de Mission du Père Marie-Antoine. 4. La Mission de Carême de 1877: La Croix érigée


RODEZ: LA CROIX DE MISSION DU P. MARIE-ANTOINE

4. LA MISSION DE CARÊME DE 1877: LA CROIX ÉRIGÉE DANS L'ENCLOS DU CARMEL


d'après le P. Ernest-Marie de Beaulieu ("Le Saint de Toulouse", éditions de 1908, 1909, 1928), et la Revue religieuse de Rodez ( 1r avril 1877)
 


« La mission est le temps de la miséricorde. L’immortel pèlerinage de Lourdes et le glorieux couronnement de Notre-Dame de Ceignac ont obtenu à la ville de Rodez la grâce de cette grande et sainte mission. Nous sommes trois missionnaires, appelés par le pasteur de votre diocèse, trois missionnaires de la miséricorde de Dieu. Il y en a un autre que personne n’appelle, mais qui vient toujours, à plus ou moins long terme, à la suite de ceux-ci, c’est le missionnaire de la justice, le gendarme du bon Dieu, c’est la mort. Que notre foi et l’amour qu’Il met dans nos cœurs nous en préservent. Repentez-vous donc, et convertissez-vous, et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps du répit. Chers habitants de Rodez, à vous aussi, en ce moment, Jésus montre son cœur, répondez à l’appel de son amour. La mission est le temps de la miséricorde, le Seigneur vous couvre de ses grâces, c'est la mission des miracles, mais prenez garde d'en abuser. » Rudes paroles du Missionnaire capucin aux Ruthénois qui savent que tout est possible avec le P. Marie-Antoine qui s'en vient, tranquillement, de sa mission dramatique de Vallauris et des ennuis judiciaires qu'elle lui cause et dont il tire pour eux la leçon.1 Ces Ruthénois, dont le Père dira dans une lettre à sa famille du 18 mars 1878, "j'ai déjà souvent travaillé sur ce terrain du Rouergue, mais il est dur, et il y a toujours beaucoup à faire."

 
      Le Père est donc, en ce Carême 1877, à nouveau à Rodez. Cette prédication, sur quatre semaines, est un événement dans la capitale aveyronnaise, l’action des trois missionnaires sur les âmes y sera toute puissante. Au P. Marie-Antoine, en effet, se sont joints le P. Salvator de Joya, un napolitain envoyé au couvent de Bayonne avec d’autres capucins italiens victimes de la persécution religieuse, et qui prêcha beaucoup et avec un grand succès dans le Sud-ouest durant plusieurs années avant de revenir dans sa province, ainsi qu’un autre religieux venu à la rescousse. Comme de coutume, le P. Marie-Antoine organise les cérémonies autour des prédications, de telle façon que toutes les classes, tous les âges de la population soient successivement évangélisés. Nous en avons le récit détaillé par la Revue Religieuse de Rodez.  Ainsi, lorsque ce sont les hommes qui sont réunis  -cathédrale bondée, la Semaine Sainte leur est réservée-, l’enseignement prend la forme d’un dialogue, en termes clairs, directs. Le père encourage les participants à évoquer leurs difficultés de chrétiens, à faire valoir leurs raisons, à soulever des objections. Chacun trouve sa réponse, de plain-pied avec la vie et les expériences du quotidien. Même les soldats du 81° régiment ont droit à leur temps de retraite propre, en fin d’après-midi à 17 heures, durant trois jours, avec l’accord de leur hiérarchie.


Comme à chacune de ses missions, le père se multiplie en visites des plus malheureux, des plus pauvres, les malades, les grabataires, les désespérés. A eux, il donne sans se lasser ; avec eux, il a un sentiment très particulier de liberté qui le rend encore plus joyeux, la liberté d’être en leur présence, sans fard ni détour, tout à l’amour de Dieu qui le brûle. C’est cet amour-là qui console, qui protège, qui panse les plaies. Et il trouve le temps de donner encore des retraites spéciales aux séminaires, aux diverses communautés religieuses, aux hôpitaux, au Refuge, à la prison. Enfin, les moments qui lui restent, il les passe priant aux abords de son confessionnal pour être prêt à répondre au moindre signe, du matin à la première heure au soir après la dernière homélie. En mission, il paraît avoir toujours le temps, le Père.


La cathédrale Sainte-Marie de Rodez en 1900   Rodez-cathe769drale.jpg      RodezCroix77.jpg  La Croix de Mission de 1877 avant sa rénovation en 2016


Le jour de Pâques, une messe solennelle est célébrée sous les voûtes de la cathédrale Notre-Dame. Parmi l’assistance, beaucoup d’hommes, et de nombreux convertis. Une communion générale comme on n’en a jamais vue. Le lendemain 1° avril, nouveau jour glorieux. Pour commémorer la mission, Mgr Bourret a fait venir de Toulouse une grande croix en tôle sur une armature de fer, et un Christ en fonte, modèle Bouchardon (1698-1762), le célèbre sculpteur de Louis XV, très prisé des missionnaires capucins. Mais voilà que le Conseil Municipal de Rodez, malgré l’insistance désolée du maire, refuse, par 11 voix sur 16, d’accorder à l’évêque un terrain près de la cathédrale pour y ériger la croix. Heureusement, les Carmélites peuvent offrir quelques mètres carrés de leur enclos où l’on construit en toute hâte un superbe piédestal. L’inauguration de la croix avec son Christ donne lieu à une cérémonie grandiose, après une longue, une interminable procession comme il ne s’en produira jamais plus de semblable à Rodez. « Une moisson merveilleuse, nuit et jour, et voici le miracle : plus l’avalanche grossit, plus je sens de courage au cœur et de force à l’âme. »  La ville tout entière est sur pied, les chanoines du chapitre de la cathédrale et le clergé de la ville avec leurs plus beaux ornements. Les élèves du grand séminaire, revêtus de dalmatiques, portent les nombreux reliquaires. Un piquet d’honneur, formé par les soldats de la garnison, maniant tambours et clairons, escorte le Christ porté sur un riche brancard par des hommes qui se relayent. Monseigneur l’évêque, revêtu de ses ornements pontificaux, ferme la marche. Après avoir parcouru les rues et les places, pavoisées et enguirlandées, le cortège arrive sur l’esplanade du Foiral, en face de l’enclos des Carmélites.


      Quand le Christ est enfin fixé à la croix, les acclamations redoublent et les chants grossissent comme un souffle nourri, le souffle de l’Esprit, qui se fait Parole lorsque le capucin prononce une de ces allocutions qui n’appartiennent qu’à lui. Il appelle les saints du Rouergue, connus et inconnus, son héritage aussi, à rendre témoignage à la croix du Sauveur, témoignage par leur vie et tout ce qu’ils ont fait pour semer la foi dans ce pays, et l’y maintenir jusqu’à cette heure dans un apostolat qu’ainsi ils continuent auprès de chacun. Mgr Bourret, visiblement impressionné, prend la parole à son tour, manifestant sa joie et son bonheur reconnaissant pour ces temps de grâce intenses. Le soir, la ville en émoi, dans une improvisation animée, illumine les façades de toutes ses maisons. Le signe radieux pour les humbles missionnaires déjà en route vers d’autres destinations, d’une étincelle divine dans les cœurs, prête à flamber.


1. On trouvera le récit de la mission de Vallauris dans "Le Saint de Toulouse s'en est allé", de Jacqueline Baylé, Éditions du Carmel.


"Rodez la Croix de Mission du P. Marie-Antoine": 5. 1878, nouvelle Mission de Carême (suite)


 

 


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